Pour la première fois cette année, j’ai passé les 6 premiers jours du ramadan au Maroc. J’ai envie de tenter l’expérience, pendant cette période bien particulière, de faire le jeûne du ramadan comme les musulmans. Au milieu des 6 jours je fais une retraite bouddhiste, avec donc un autre rythme de jeûne, quasi à l’opposé. Je débute donc le week-end avec l’idée de stopper le ramadan pour y revenir le lundi. Curieusement, le premier jour où j’ai mangé un bol de riz le midi, à 17 heures j’avais la faim au ventre. La nuit suivante a été assez bousculée dans mon ventre, comme si ce n’était pas vraiment juste pour moi, comme si ça ne me convenait pas ! à 4 heures du matin, semi-réveillée, en phase méditative, je reste là 45 mn à laisser traverser en moi l’idée de poursuivre le lendemain avec le bol de riz ou de revenir au ramadan. Par précaution, je me lève boire un peu et manger une banane, au cas où mon corps décide de repartir sur le ramadan et donc ne manger qu’après le coucher du soleil, vers 19h30. En arrivant près du Lama le matin, avant de prendre les vœux de silence, je pose très simplement que peut être ce midi je ne mangerai pas le riz. Le peut être est important car à ce moment-là je me laisse encore la possibilité de revenir sur mon choix. A la pause, je ne prends rien. En définitive, je reste en phase ramadan, mon corps se sent bien, léger, ouvert. A l’heure du déjeuner aucune faim n’est présente ; je sors faire la sieste.
Le premier soir du ramadan, je suis allée dans mon quartier voir comment se passe le début du ftour (la rupture du jeûne) et pour la faire moi aussi. Je vois là certaines personnes, des hommes principalement, se jeter sur la nourriture ; je suppose que c’est très difficile pour eux. Plusieurs bagarres se propagent ici et là dans la rue ; je suis surprise et même choquée de voir de tels actes alors qu’on est dans un mois sacré !!
Sacré, oui le ramadan est sacré pour bon nombre de musulmans. Je comprends très vite pourquoi. Pour moi il y a un lien très fort, voire même primordial avec les émotions. Plus je vais avoir de pensées et d’émotions positives dans ma journée, plus la fluidité s’installe par rapport à cette nourriture qui est absente. Par contre, si je traverse une journée avec de nombreuses pensées négatives, de lourds problèmes à régler, le rapport à la nourriture va être envahissant. Il est intéressant de regarder quel lien réel nous avons avec la nourriture. A quoi la nourriture nous sert- elle vraiment ? « juste » pour manger c’est-à-dire assouvir de la faim, a-t-on vraiment faim à chaque fois qu’on porte de la nourriture à la bouche... Ou est ce que la nourriture nous permet d’évacuer le stress rencontré tout au long de la journée, voire même de toute la vie ? Si je regarde bien, je peux voir dans le profil de ma vie que j’ai parcouru des moments avec beaucoup de stress et une alimentation assez « disharmonieuse » et un surpoids conséquent. A ce moment-là, je ne connaissais pas cette relation nourriture/émotions.
Lors de mes six jours de ramadan, le rapport à la nourriture est assez fluide. Le premier jour c’est le rapport à la soif qui vient me visiter. Dès 10h le matin, je ressens la sensation de soif... ah comment faire ? je médite sur cette sensation et finie par laisser venir dans ma bouche de l’humidité ; ma bouche a retrouvé sa salive et restera ainsi toute la journée. Le deuxième jour, je rencontre dans un centre de développement personnel une personne que je connais. Il est 13h, elle semble très fatiguée, abattue. En discutant avec elle, je comprends qu’elle a des difficultés à gérer la faim. Je lui explique mon expérience de la veille avec la soif. Elle est très surprise, d’une part que je sois en « mode ramadan » et que je lui parle de cette possibilité. Quelques jours plus tard, alors que je suis en grand rangement de mon appartement que je vais laisser, les émotions me traversent d’une manière assez présente, je rencontre même quelques contrariétés avec deux personnes. Là, je touche de près le rapport entre les émotions et la nourriture. Après une conversation au téléphone un peu compliquée, je me dirige machinalement dans la cuisine pour prendre des fruits secs ; c’est mon attitude habituelle. Mais là, il n’en est pas question ! je vais jusqu’au sachet et je m’interpelle intérieurement : « ah, tu allais prendre de quoi te consoler, te réfugier dans la nourriture, sans même t’en rendre compte... » et bien non, je me suis arrêtée avant, je me suis assise et j’ai regardé passer à l’intérieur de mon corps cette émotion. J’ai mis de l’air et de la conscience sur le moment présent, et après quelques minutes cette envie/pulsion vers la nourriture était dépassée. Mon corps était de retour au calme. Les pensées vers « aller manger » avaient disparu pour laisser place au calme et à la sérénité.
Merci à la Vie pour cette expérience courte mais si révélatrice de notre mode de fonctionnement, si souvent inconscient !
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